Accéder au contenu principal

Interview : DO:NO

DO:NO,  c'est un peu l'extraterrestre de la Géométrie Variable. Incompris par la plupart, ils sont là avant tout pour se faire plaisir et retranscrire leurs histoires par le biais de sons et de paroles. Ils sont aussi là pour te toucher, te provoquer une émotion particulière et différente de ce qu'on a l'habitude de ressentir. Entre rythmique rap et thèmes sombres, ils se retrouvent comme un groupe à part entière qui n'a pas envie qu'on lui colle une étiquette, qui a juste envie de faire de la musique. Je suis partie à la rencontre de HTK et de Dono en leur donnant rendez-vous dans un café, ils ont accepté de répondre à quelques questions... 


___________________________________________

WAS : Pour commencer, une petite présentation des membres du groupe. 
Dono : Dono, qui écrit des textes sur les intrus d'HTK.
HTK : Et donc HTK, qui fait des sons pour Dono.
Dono : Et donc ça donne DO:NO. En fait on a l'impression qu'il y a pas grand monde qui a compris qu'on est un groupe. Le groupe s'appelle DO:NO : composé de Dono+Htk. Ce que je fais en mon nom et ce qu'il fait en son nom c'est pas la même chose que ce que l'on fait ensemble. Et c'est vrai que ça c'est pas très évident pour les gens. Même mes potes n'ont pas compris qu'on était un groupe, on aurait du prendre un autre nom, on aurait du s'appeler Jean-Pierre Stevens.


WAS : Quel été le chemin musical que vous avez emprunté et comment vous êtes vous rencontrés ? 
HTK : Je fais du son depuis pas mal de temps, je suis parti de l'électro et après je me suis mis petit à petit au rap et au hip hop.
Dono : Et comment on s'est rencontré ?
HTK : Sur internet !
Dono : Par Télémaque. HTK avait mis un instru sur le mur facebook de Télémaque. Je voulais écrire mais j'avais toujours ce frein de pas avoir d'instru...et puis d'avoir jamais fait de rap très clairement. Et HTK avait dit à Télémaque « vasy pose si ça te plait », moi j'ai écouté et je me suis dit « à moi il me plait ». J'avais fait un texte à l'époque, je l'avais enregistré vite fait chez moi et je l'avais envoyé à Télémaque, qui par la suite l'a envoyé à HTK, qui est venu me parler en me disant « si tu veux j'ai d'autres sons »...on s'était jamais vu, il habitait encore à Aix et on a commencé comme ça : il m'a envoyé deux trois intrus, on a fait deux trois morceaux, et après il est venu à Metz et rapidement on a fait un concert à l'Astrophone.


WAS : Dono, qu'est ce qui t'inspire autour de toi et dans la musique des autres ? 
Dono : Dans la musique des autres, pas grand chose. Il y'a beaucoup de choses différentes que j'aime écouter mais il n'y a rien dans l'écriture qui m'influence directement. J'écris avec pas mal de références littéraires, dans la littérature religieuse aussi. Il y a beaucoup d'allusions à la religion juive mais pas que. C'est des allusions qui ne parlent qu'à moi et qui sont réelles. Il y a un côté assez sombre et ambiant...c'est pas le type de musique que j'écoute tout le temps mais c'est le type de musique qui me procure des émotions et c'est sans doute ça qui nous a rassemblé. (ces sonorités, ces ambiances...). 
Il y a aussi beaucoup de références personnelles qui ne parlent qu'à moi, je suis sur que même HTK ne comprends pas tout.
HTK : Non !
Dono : C'est juste l'expression de ce qu'il y a dans ma tête et de références qui m'ont marqué, des trucs qui ressortent..donc voilà, beaucoup de littérature : quand on a commencé à faire des morceaux ensemble, je lisais énormément et je ressortais beaucoup de choses que je lisais, c'est ce qui remplissait beaucoup ma vie. C'est ça qui fait le fondement de l'écriture et du thème du morceau.


WAS : Donc c'est HTK qui t'envoi les morceaux et toi qui écrit les paroles par dessus et pas l'inverse.
HTK : Oui !
Dono : Je suis incapable d'écrire à vide, sans rien. Je prends les instrus, la plupart du temps comme ils sont, car c'est un vrai morceau instrumental qui a sa structure et son existence... Puis je le prends, je l'écoute, et j'écris sur cette base là. On a jamais modifié l'instru. 
C'est cette méthode là qui fait qu'on arrive à trouver une homogénéité entre le son et les paroles.


WAS : Si vous deviez décrire votre musique...
HTK : Ca c'est une question à laquelle je peux pas répondre, c'est compliqué en fait. On tellement d'influences, on a fait tellement de morceaux qui sont différents, il n y a pas trop de cohérence. C'est des titres un peu dubstep et là on fait des trucs un peu plus ambiants. On a pas de titres vraiment hip hop.
Dono : Le fil rouge c'est que c'est sombre...et encore pas toujours.
HTK : A chaque fois il y a un truc assez lourd et noir, mais pour donner un nom à ça, je sais pas.
Dono : On parle du fond des choses mais on sait même pas si on fait du rap, c'est même pas une question qu'on se pose. 
On avait fait un concert à Epinal, un concert « rap » et on avait joué tous les deux et on était complètement à côté de la plaque. Au retour sur l'autoroute on s'est regardé et on s'est dit « on peut pas faire de soirée rap, on fait pas de rap », parce que les gens ne comprennent pas et nous on est pas du tout à notre place. Je me suis dit « est ce qu'on doit adopter ces codes là pour être compris ». Y'a quelques concerts, comme à Epinal, où je portais une casquette par exemple, alors que je ne porte pas de casquette du tout. Et on s'est finalement dit qu'il faut qu'on abandonne l'idée d'être dans certains codes du rap, ça n'a aucun intérêt, c'est même pas nous, on est pas rap. On s'en fou, c'est de la musique, point. 


WAS : Ouai, vous n'avez pas envie qu'on vous colle une étiquette particulière.
HTK : Non !
Dono : Ca serait ridicule. J'aime beaucoup le rap, mais c'est pas vraiment ma culture. On fait pas de la musique pour dire « on fait du rap », on fait de la musique qui a une rythmique plutôt adaptée au rap, on est sur des textes plutôt adaptés au rap mais on est sur des thèmes qui sont pas du tout des thématiques de rap. Tu fais un morceau qui s'appelle « Nuit et brouillard » qui parle des camps, des déportations, de la Shoah...c'est pas des thèmes rap, c'est même pas des thèmes de musique, à part chez Jean Ferrat. C'est le moyen d'expression qu'on a trouvé et qui nous rassemble. Je pense qu'on aurait bien pu faire autre chose comme style de musique en disant la même chose avec la même ambiance. 


WAS : Vous allez bientôt jouer à Metz non ?
Dono : Oui on va bientôt rejouer, on est pas très présents pour les concerts. Le 24 mai au Dublin avec Voon et Spitch, et tous les deux en showcase à la Face Cachée. Clairement, ça fait depuis Mars 2013 qu'on a pas joué tous les deux.
HTK : A part chez Voon.
Dono : Mais depuis Mars 2013, on a pas fait beaucoup de morceaux, on a pas beaucoup travaillé ensemble...Ce showcase à la Face Cachée nous permettra de nous remettre dans le bain, essayer de se remettre dans le rythme. On cherche pas à être visible, on aime bien faire de la musique ensemble, c'est ce qui nous pousse à continuer. On est pas du genre à enregistrer, faire un clip, publier...On joue à la Face Caché, si y'a des gens, si y'a pas de gens tant pis. On se fait plaisir.


WAS : Je vous ai découvert l'an dernier au lancement de la Géométrie Variable, je connaissais pas du tout et c'est vraiment le truc qui m'avait le plus plu de tout le concert...
Dono : On avait fait un truc...
HTK : ...assez spécial.
Dono : On avait joué en début de soirée pour pas plomber l'ambiance après... on avait choisi de faire un truc sans pause entre les morceaux, ça avait duré 40 minutes avec des images projetées, des extraits du film « Nuit et brouillard » d'Alain Resnais et avec une atmosphère très noir&blanc, sombre, pas de discours entre les morceaux, pas d'interaction avec le public (c'est ce qu'on s'est toujours dit, on est pas là pour faire un one man show). On fait un concert, on vient jouer des chansons, y'a pas à raconter des blagues, certains le font très bien, nous c'est pas notre truc...ça serait artificiel, parce qu'on est pas forcément à l'aise avec le public, ni sur scène. 
C'est vrai qu'on a beaucoup bossé pour cette soirée, on a eu pas mal de retours, des retours de gens qui n'avaient pas compris, pourquoi ces images derrières etc... mais en même temps on savait que c'était un truc hyper casse-gueule, on est arrivé avec un concept comme ça : on vous parle pas, on dit des trucs un peu sombres, on met des images de camps de concentration...dit comme ça c'est pas le truc le plus vendeur mais en même temps la démarche n'est pas de vendre notre truc, c'est d'avoir un truc cohérent, qui suscite soit l'adhésion, soit le rejet total...on voulait aller au bout de la démarche : on a notre univers, on a notre ambiance, on le fait, point. Moi j'étais assez fier de ce qu'on a fait ce soir là.


WAS : Quel a été pour vous, le meilleur souvenir que vous avez eu ensemble, avec DO:NO ?
HTK : Ca devait être Epinal (rires)...non c'est une blague. 
Dono : Y'avait 7 personnes dans la salle qui étaient debout (dont 3-4 de la Géométrie Variable). Et les gens étaient assis sur le côté de la salle (c'était une salle très bizarre), et ils nous regardaient comme ça : O-O … On jouait avec un groupe de là bas qui faisaient du rap, et nous on jouait en premier, c'était un dimanche, ou un jour férié, il pleuvait, c'était l'hiver, à Epinal... c'était l'enfer quoi !
HTK : Sur le retour j'ai cassé la colonne de ma voiture, ce qui fait qu'on a fait Epinal-Metz à 40 sur l'autoroute...sur la bande d'arrêt d'urgence.
Dono : Ca c'est le pire souvenir mais en même temps c'est un vrai souvenir, on a pris conscience de certaines choses ce jour là, comme on l'a dit avant.
Mais le meilleur souvenir je pense que c'était en Mars 2013 pour le lancement de la Géométrie Variable. C'est la seule fois où on a fait ce qu'on avait envie de faire.
Ce qui me désole c'est de jamais avoir de retours sur ce qu'on fait...pourquoi les gens ne viennent pas nous dire à la fin si c'était bien ou même si c'était pas bien, s'ils ont pas compris etc...
C'est vraiment à cette soirée qu'on a eu le plus de réactions, et c'est là que c'est intéressant quoi.
Le pire c'est quand on joue et que personne nous dit rien sur rien. T'as l'impression de rien avoir fait. Tu serais pas venu, t'aurais rien fait, ça aurait été la même chose. Raper seuls dans nos salons ça reviendrait à la même chose. Que ça procure une réaction chez les gens, ça me semble être le minimum. Je sais pas si c'est de l’indifférence ou de l'incompréhension mais c'est ce qui me démotive le plus. On se fait chier, on met quand même de nous, on met un son, un texte, ...tu le fais pas impunément, tu te fais chier à le présenter aux gens, ça fait quand même un peu mal à la gueule que les gens n'ont rien à dire.
HTK : C'est frustrant.
Dono : On avait dit dans un de nos morceaux « nul n'est prophète en son pays, je crois que t'as pas compris le projet » c'est ça quoi. On comprend pas pourquoi y'a aucune réaction. J'aimerai que tout le monde nous dise « les gars c'est nul, faut faire ça, faut changer ça... » au moins on aurait un truc. Là, la souffrance c'est qu'on nous dit pas assez de trucs, bons ou mauvais, c'est pas la question. C'est comme ça, après moi ça m'empêche pas de dormir mais c'est une frustration.
HTK : Peut être que le côté noir des sons repoussent un peu les gens. Ca joue peut être. Les gens s'attendent peut être à un truc rap.
Dono : Oui mais à force ils devraient savoir. Ils se disent pas « c'est super, on s'attend à un truc hip hop, on va bouger la tête... » les gens savent. C'est bon, ils peuvent venir avec une lame de rasoir dans la poche, une corde, ils vont entrer dans une atmosphère et une ambiance qui vont nous faire ressentir des émotions, même si elles sont un peu noires. L'art et la musique c'est censé faire ressortir une émotion. On est pas là pour faire bouger les pieds et la tête, c'est pas le projet.


WAS : Vous avez raison de faire ressentir d'autres émotions. Ca change des gens qui sautent et qui crient « yo yo yo ».
Dono : Mais parfois tu te demandes. Quand t'as pas de retours, tu sais pas si t'as raison de faire ça. Si vous voulez pas nous écouter, à ce moment là dites le nous. Dites nous si c'est dérangeant, si c'est malsain de passer des images de camps de concentration, si les instrus font mal à la tête....ça nous aiderait. Dès qu'on a des retours des gens, on les remercie systématiquement. Soit ça fait du bien, soit ça nous donne des conseils, c'est bien, ça nous aide à avancer.
Je prends du plaisir à montrer aux gens : « regardez ce qu'on sait faire ». J'ai une certaine prétention par rapport à ce qu'on fait, je le dis, j'aime bien notre musique. Si j'étais le public, j'aimerai bien aller vers ce genre de truc. J'estime que c'est audible, qu'il y a des choses intéressantes. Nous sommes des petits artistes de province incompris.


WAS : Et si non, vous avez d'autres projets ?
HTK : On a pas mal de morceaux qui trainent.
Dono : On a beaucoup de morceaux qu'on a jamais enregistré. En 2 ans d'activité, on a 15 vrais morceaux.


WAS : Ca fait un album...
Dono : On avait le projet de sortir un maxi, mais avec la prétention qu'on a, si on nous pousse pas au cul en nous disant « on va vous aider, on vous demande... », on va pas le faire. C'est pas des démarches qu'on a envie de faire, on a pas forcément le temps de le faire aussi. Mais encore une fois c'est hyper prétentieux, personne n'en a rien à foutre de nous et nous on attend que les gens viennent nous chercher pour nous aider, pour nous dire « il faut faire un disque »...


WAS : En même temps, si personne ne vous demande vous allez pas sortir des disques sans les vendre. Vous avez raison d'un côté.
Dono : Oui, si on le fait sans aucune demande. Mais est-ce qu'on le fait pour le vendre ou est-ce qu'on le fait pour se faire plaisir à nous ?
On avait regardé : rien que presser 100 disques, c'était déjà un certain coût. Et avec toutes les démarches pour y arriver... on est pas doués, on sait pas faire ça. Et ensuite il faut les écouler ces 100 disques, vu qu'on fait pas spécialement de concert, on va pas foutre les 100 à la Face Caché. 
Et comme on sort pas de Metz, sauf pour aller à Epinal (rires), on a pas d'autres envergures que locales. 100 disques à écouler sur le marché messin, c'est le bout du monde...et si c'est pour en presser 100 et en avoir 80 sous les bras, ça sert à rien. Moi je serai content d'en avoir chez moi.
Des projets, on en a eu pleins, on en a eu suffisamment pour écouler ce qu'on avait en stock. On a aussi autre chose à faire que de la musique, que de chercher des plans pour des concerts, que de trouver des solutions pour sortir des disques etc.. On ne vis pas pour la musique que l'on fait, on ne vis pas pour la musique tout court.
Par exemple Télémaque, on sait que lui, il s'est donné les moyens, il a sorti ses disques, il a fait ses concerts, il a trouvé ses plans, il a forgé sa notoriété, parce qu'il y croyait, c'était son énergie, c'était son moteur. Et ça a très bien marché. Il voulait y arriver et il y est arrivé, il a fait des boulots à côté pour ça. Nous c'est pas notre trip.


WAS : Si non, rien à ajouter ? 
DonoSi. Venez nous voir le 24 mai au Dublin à Metz, et le 31 mai à la Face Cachée !
HTK : Oui venez nombreux ! Et merci Pauline !





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

INTERVIEW : GILLES DOR

C'est avec une immense joie que je vous présente aujourd'hui Gilles Dor .  Star dans les années 80, il revient sur le devant de la scène grâce aux réseaux sociaux et à Youtube.  Ce dernier s'est livré à nous et a accepté de répondre à quelques questions... _______________________________________________ WAS : Bonjour Gilles Dor, comment allez-vous ? Prêt à répondre à quelques questions ? Gilles Dor :   Oui allez-y je vous en prie ! WAS : Vous faites de la musique depuis plusieurs années maintenant, pouvez-vous me raconter un peu votre parcours musical ? Gilles Dor :  Je suis né dans une famille qui adore la chanson française, de Brel à Aznavour, en passant par Claude Nougaro, Jean ferrat, Léo Ferré, et surtout Charles Trenet. Donc j'ai toujours baigné dans un univers musical avec des mélodies et des textes. J'ai toujours chanté aussi dans les repas de famille où on me demandait d'interpréter les derniers tubes du moment, dès l'âge où je commençais à parler...

Interview : ZEFREY THROWELL

/ Photo by Jessica Smith / Zefrey Throwell is a New York-based artist who uses several form of art to communicate his own vision of America.  He agreed to answer some questions... 

INTERVIEW : KITTY VON-SOMETIME, THE WEIRD GIRL

-- picture by  http://www.jeaneenlund.com/  -- Kitty Von-Sometime  is an artist best known for her series The Weird Girls Project , she comes from Reykjavik and she agreed to answer some questions about her splendid and unusual project.