Une nouvelle rubrique voit le jour sur We Are Someone : il s'agit de chroniques musicales écrites par Dante. Il nous livrera régulièrement ses coups de coeur musicaux. Le premier : Transilvanian Hunger de Darkthrone. Je vous laisse découvrir sa plume...
Il est un moment dans la vie d’un
homme où les choix musicaux reflètent l’état d’esprit.
Noirceur, décadence, souffrance, mort. Nuit éternelle.
Fut une époque où le black metal
était pour moi un sujet de rigolade potache : les corpse
paints, les photos promos, les clips d’Immortal diffusés le soir
très tard sur MTV ou MCM, le satanisme grand guignolesque et les
typographies illisibles.
C’est tout à fait par hasard que
j’ai découvert DARKTHRONE, et c’est plus par esprit de
contradiction et soif de découverte que par une réelle attirance
pour ce style et son nihilisme musical. En tant que profane, je
souhaitais aller toujours plus loin dans ce que je découvrirais plus
tard comme étant le « true norwegian black metal ». J’ai
pris le parti, suite à la lecture de l’excellent « Les
seigneurs du Chaos », de jeter mon dévolu sur ce qu’il
semblait y avoir de pire en tant que BM minimaliste et maléfique.
Après une tentative désespérée de rentrer dans le monde infernal
et suffocant d’ABRUPTUM, j’ai bien évidemment abandonné, ma
santé mentale étant clairement en jeu. DARKTHRONE, composé de
Fenriz et Nocturno Culto, a représenté ma porte d’entrée dans ce
monde opaque et élitiste qu’est le TNBM.
Pour rappel, le groupe le plus violent
que j’ai pu écouter à l’époque était VITAL REMAINS (side
-project de Glen Benton, l’homme à la croix renversée brûlée
sur le front, officiant de ses profanations infernales dans DEICIDE),
qui en termes d’ambiance et de production ne joue pas dans la même
catégorie, n’était d’ailleurs en aucun cas du Black Metal, bien
que le satanisme et l’imagerie se rapprochant d’une certaine
frange du BM.
J’avais choisi
de piocher dans la « Unholy Trilogy » composée des
pamphlets maudits « A blaze in the northern sky » en
1992, «Under a funeral moon » en 1993, et le dernier chapitre
de 1994… J’ai jeté mon dévolu sur « Transilvanian
Hunger », car une attirance quasi-mystique pour l’artwork et
le titre m’a immédiatement envahi. Cette pochette,
parlons-en. Ridicule pour la plupart des observateurs extérieurs,
j’ai pour ma part été transcendé, et elle est pour moi à ce
jour, la plus pure et parfaite représentation de ce genre que j’ai
appris sournoisement à chérir (avec celle du « Secrets of the
black arts » de DARK FUNERAL). Noire et blanche, d’une
qualité égale à celle du disque, elle représente le désespoir et
la haine par excellence.
La qualité du disque, parlons-en. A la
première écoute, une vérification de ma sono s’est imposée, car
passant de TOOL à DARKTHRONE, j’ai craint que ma bonne vieille
chaîne n'ai rendu l’âme. Le titre éponyme m’agressa alors dans
toute sa noirceur, sa violence et sa furie. Je me retrouvais entraîné
aux tréfonds des enfers, sans lumière, sans issue, sans volonté.
DARKTHRONE domine le monde dans une forme d’extrémisme musical
d’une pureté sans compromis, sans jamais transiger. Le son est
horrible, répétitif, cru, pourri et relève d’un amateurisme qui
doit sans aucun doute provoquer l’hilarité chez l’auditeur non
averti. Certes. Mais si vous vous laissez emporter par l’ambiance,
et le tourbillon satanique des vents de Norvège, vous serez
transportés dans une forêt noire, éclairée par la seule lumière
de la Lune, poursuivis par une entité glacée et démoniaque dont le
seul but sera votre destruction.
La simplicité couplée à cette
intensité maladive, qui vous attrape à la gorge pour ne jamais vous
lâcher, ces riffs hantés et ce chant possédé ne seront, à mon
sens, jamais égalés. Je ne ferais pas de cas par cas, ce brûlot
étant une ode tyrannique à ce que la musique peut proposer de plus
intransigeant, et s’écoute dans son intégralité, dans le noir.
Ames sensibles s’abstenir.
DARKTHRONE ne fait aucune concession,
et cet album le prouve de la meilleure des façons. Bien que je ne
sois plus fan de leur évolution actuelle, mon amour du BM (nourri
par ailleurs par mon comparse Julien R., à qui je dois mes
principales découvertes dans ce style, dont le magique
« Panzerfaust » ou des groupes comme AGALLOCH, THORNS ou
ENSLAVED, sans aborder l’initiation à BURZUM… GROUGROULDAR)
a débuté comme une farce, une bonne blague, mais la puissance
infernale de cette galette m’a retourné ainsi toutes mes
convictions musicales.
Il est plus que possible que vous
n’accrochiez pas à ce disque. Que vous le trouviez plat, inaudible
et grotesque. Alors pour reprendre les mots du magicien gris :
« Fuyez, pauvres fous ». Cet album est l’apogée d’un
style, toujours copié, jamais égalé. Si tant est que vous
réussissiez à en saisir la substantifique moelle, votre vision de
la noirceur en sera changée à jamais, et vous souhaiterez peut être
courir nus dans les fjörds, à la recherche de la cabane de Nocturno
Culto, là où la fête bat toujours son plein.
Pour finir, j’admets une subjectivité
absolue quant au traitement de cet album, qui est une sorte de
madeleine sanglante, froide et pourrie de Proust, mais l’impact
émotionnel de ces 7 morceaux reflète la pureté d’une haine qui
n’a d’égal que les avis contrastés qu’elle inspire.
Bien à vous,
Dante
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